Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard (1760)
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Comédie en trois actes de Marivaux, Le Jeu de l'amour et du hasard est représenté pour la première fois en 1730 sur la scène du Théâtre-Italien. La pièce reprend un certain nombre de procédés traditionnels de la comédie italienne.
Le personnage de Silvette reprend des caractéristiques du type de la servante, et la mise en scène des rapports entre maîtres et valets est un ressort traditionnel de la comédie.
La pièce est également marquée par la vivacité du rythme et les rebondissements des dialogues propres à la commedia dell'arte. Marivaux les expoite à merveille mettant en valeur l'enchaînement des répliques, fondé sur la reprise des thèmes et l'art de la répartie.
Silvia. - Tu peux te passer de me paler d'amour, je pense ?
Dorante. - Tu pourrais bien te passer de m'en faire sentir, toi ?
ou encore
Dorante. - Ah ! Je te cherchais, Lisette.
Silvia : - Ce n'était pas la peine de me trouver, car je te fuis, moi.
Si la pièce de Marivaux s'inspire de la commedia dell'arte, elle lui apporte finesse et subtilité.
L'apparent désordre qui livre les personnages au jeu de l'amour et du hasard masque la minutie avec laquelle l'œuvre est composée.
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La structure d'ensemble : mise en abyme et double
registre
À la comédie que regarde le public se superpose un autre spectacle, que les personnages travestis (Silvia, Dorante, Lisette, Arlequin) offrent à des personnages à la fois spectateurs et acteurs (M. Orgon et Mario).
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La structure interne : symétries et
oppositions
Réciprocité des sentiments (Dorante et Silvia, Arlequin et Lisette).
Écho burlesque et dissonance comique (L'amour des valets comme miroir déformé de celui des maîtres ; le langage d'Arlequin contrastant avec ses habits).
Dissymétrie des aveux (Dorante lève le masque avant Silvia, faisant de Silvia un personnage à part).
- Le double stratagème entraîne chez Silvia et Dorante une crise d'identité qui leur permet d'ouvrir les yeux sur les différences de condition sociale et de mettre à jour leur amour :
- Les maîtres doivent se mettre à la place des
valets et renoncer un moment aux avantages liés à
leur condition. Leur déguisement finit ainsi par leur
peser et par entraîner une confusion croissante dans leurs
sentiments : Silvia s'interroge :
tout comme Dorante qui déclare :
- Je ne sais plus où j'en suis ; cette aventure m'étourdit. Que faut-il que je fasse ?
Quand les masques tombent, tout finit par rentrer dans l'ordre : les maîtres se marient entre eux et les valets aussi.
Hélas, quand vous ne seriez que Perette ou Margot, (...) vous auriez toujours été ma princesse, répond avec humour Arlequin à Lisette.
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L'être et le paraître :
Marivaux montre comment l'amour, ce sentiment sincère et naturel, parvient à s'épanouir, malgré les obstacles que sont l'amour-propre et le préjugé social.
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L'amour au cœur de l'action :
Centrée sur le progrès du sentiment amoureux, l'action se passe dans un lieu clos, et selon une temporalité subjective (Le tempo lent des scènes sentimentales contraste avec le rythme soutenu d'autres scènes).
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Définition :
Le marivaudage constitue pour son inventeur le champ d'exploration de la psychologie amoureuse. Il est l'expression de tout ce qui trahit ou matérialise les mouvements du cœur, d'abord réticent à se livrer. Il ne saurait se réduire au badinage. Il peut être sérieux ou comique, selon qu'il concerne les maîtres ou les valets.
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Procédés :
Dans le langage : la reprise de mots, la préciosité et l'inventivité du style ;
À la lisière du langage : le silence, la tonalité de la voix ;
Hors langage : les déplacements et gestes des personnages.
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Cruauté d'un père :
M. Orgon, quoique bon père, use de son autorité pour se jouer de sa fille. Il trouve en son fils un complice.
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Cruauté d'une amante :
Silvia, lorsque Dorante lui a révélé sa véritable identité, conserve son masque ; elle en fait sa dupe et triomphe de lui.
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Cruauté des maîtres :
La permutation des rôles met en valeur le ridicule des valets et leur donne l'illusion de se hisser socialement.
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La question du mariage :
Si le mérite dépasse la naissance, Marivaux ne plaide jamais réellement en faveur de la mésalliance ; celle de Dorante et de Silvia n'est qu'un jeu. -
Le préjugé social :
La mobilité sociale n'est qu'un leurre : la personnalité des personnages est constitutive de leur classe sociale ; la fin de la pièce est un retour à l'ordre initial.
La pièce ne prétend rien condamner, ni justifier. À travers elle, Marivaux s'efforce seulement de comprendre les mécanismes qui régissent nos sentiments et notre société.
Si la composition du Jeu de l'amour et du hasard est influencée par la comédie italienne, elle ne doit sa minutie qu'à Marivaux. L'œuvre s'efforce de représenter, grâce aux finesses du marivaudage, les mécanismes du cœur humain.
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