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Antigone : les personnages

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Toutes les références renvoient à l'édition suivante : ANOUILH, Jean, Antigone, La table ronde, 1946, Paris. ISBN 2-7103-0025-7

1. Les personnages principaux
a. Le personnage d'Antigone
Héroïne tragique qui donne son nom à la pièce, elle est un personnage éponyme à haute densité tragique ; elle est, de plus, la fille d'Œdipe.

Elle n'est pas belle (p. 29), est « toute petite et mal peignée » (p. 40), « maigre » (p. 69) et « noire ». Cependant, elle a une autre beauté et exerce une fascination sur « les petites filles » et « les petits voyous dans la rue » (p. 29-30) et n'est pas dénuée de sensualité et désire qu'Hémon « l'aime comme une femme » (p. 41). Elle a, en outre, un instinct maternel très développé envers le petit garçon qu'ils ont eu en rêve (p. 40).

Elle est une rebelle qui, éprise d'idéal, préfère mourir plutôt que de vivre petitement dans la grisaille et les compromissions du quotidien.
b. Ismène
Sœur d'Antigone, elle incarne la femme belle, blonde et heureuse comme la présente le prologue (p. 10).

Elle rachète sa peur et sa faiblesse qu'elle exprime dans une longue tirade (p. 26-27) où elle évoque son incapacité à supporter la souffrance et son manque de courage ( « Moi, tu sais, je ne suis pas très courageuse » p. 27) par son désir final de perpétuer le geste de sa sœur et de mourir avec elle (p. 98) ; désir qui, toutefois, ne se réalisera pas.
c. Créon
Roi de Thèbes, il est tout le contraire d'un tyran ou d'une brute. Mais, ne croyant à rien, sinon à la nécessité de faire son métier, il est complètement dépassé par le désir d'Absolu d'Antigone qu'il prend, au début, pour l'orgueil de son père. Il tente tout pour sauver sa nièce mais perd patience et comprend que « ce qui importait pour elle, c'était de refuser et de mourir » (p. 100) alors que lui a dit « oui » et a justifié son rôle de Roi comme un métier (p. 82) et apparaît comme « un ouvrier au seuil de sa journée » durant laquelle il devra « conduire les hommes » (p. 11). 
2. Les personnages secondaires
a. Les Gardes
Ils ne sont pas des personnages issus de la tragédie antique et se contentent de passer au travers de la tragédie sans la comprendre ni avoir aucun influence sur elle : ils ne sont que des instruments du pouvoir royal. Ils sont présentés comme des brutes, et même comme des machines soumises à la hiérarchie. Englués dans leur quotidien avec « femmes et enfants », ils sont très intéressés par une augmentation et leur promotion sociale qui leur permettra de se saouler, de jouer aux cartes - activité qui enserre la tragédie - et de rigoler (p. 57-60).

b. Hémon
Fils de Créon et amoureux d'Antigone, il se comporte comme un enfant face à son père pour sombrer dans le désespoir le plus total et se suicider devant la dureté de la vie. Figure peu présente dans la pièce avec seulement deux apparitions (le congé donné par Antigone et la supplication devant Créon), il est le prototype de l'incompris qui finit par se révolter contre toute attente et par devenir éminemment tragique car il passe sans transition de l'amoureux (p. 37 à 44), à l'enfant trahi par son père (p. 100-104), au héros tragique et silencieux ( p. 117).   
c. La Nourrice
La nourrice est un personnage traditionnel des tragédies mais ne lui appartient pas. Elle représente la vie quotidienne comme préparer le « café » (p. 21), des « tartines » (p. 31) et des « laits de poule » (p. 19). Ce personnage est fondamentalement positif et rassure l'héroïne tragique qui, dans ses bras, redevient une enfant qui n'a « plus peur » (p. 33). « Nounou plus forte que la fièvre, nounou plus forte que le cauchemar […], nounou plus forte que la mort » (p. 32). Amoindrissant la peur d'Antigone en la traitant comme une enfant, son personnage augmente l'intensité tragique de la pièce tout en restant hors de la tragédie.
d. Le page
Ce personnage est celui d'un enfant, pur et naïf qui accompagne le Roi, lui rappelle son emploi du temps (p. 122 : « Conseil, monsieur ») et serait prêt à mourir pour lui (p. 53).
Il est un personnage tragique en devenir puisqu'il est construit sur le même type que le personnage d'Œdipe : il voit tout mais ne comprend rien et aspire à grandir pour « savoir » (p. 122). 
e. Le messager
Le messager est un personnage type de la tragédie antique ; il est décrit comme un « garçon pâle […] qui rêve » (p. 12). Il a une unique fonction : annoncer la mort d'Hémon à son père (p. 117-119) qu'il connaît dès le prologue « c'est pour cela qu'il n'a pas envie de bavarder ni de se mêler aux autres ». Son intervention dans la pièce est donc extrêmement limitée mais c'est une séquence clef de la tragédie à laquelle il participe activement d'autant que son ombre menaçante plane sur l'intégralité de la pièce.  
f. Eurydice
Femme de Créon, elle est présentée comme « une vieille dame qui tricote » et « tricotera pendant toute la tragédie jusqu'à ce que son tour vienne de se lever et de mourir » (p. 11). Elle a un rôle positif : « bonne, digne, aimante » mais pas tragique : « une bonne femme parlant toujours de son jardin, de ses confitures, de ses tricots, de ses éternels tricots pour les pauvres » (p. 120). De plus, elle n'a de reine que le titre puisqu'elle n'intervient à aucun moment pour conseiller son mari : « elle ne lui est d'aucune aide » (p. 11).
g. Le Chœur
Traditionnellement, c'est un groupe d'acteurs qui commentent l'action et font entendre la voix de l'opinion commune, le Chœur est, ici, réduit à un seul acteur. Son rôle de commentateur s'exerce à la page 53 lorsqu'il définit ce que doit être une tragédie et à la page 122 lorsqu'il met à distance la tragédie. Ces deux interventions donnent son mouvement à la tragédie et la rythment grâce au leitmotiv « et voilà » qui les inaugure. Cependant, il n'a aucune action réelle sur les événements comme le prouvent les suggestions inutiles qu'il fait (p. 101-102) à Créon pour empêcher la mort d'Antigone.
3. Les personnages évoqués
a. Etéocle et Polynice
Frères d'Antigone et Ismène, ils apparaissent comme de « jeunes voyous », deux « compagnons de jeux », « des grands » qui sont devenus des hommes avec « leurs premières cigarettes et leurs premiers pantalons longs » (p. 85) et qui ont fini par ignorer leurs sœurs. Le souvenir que garde Antigone de Polynice reste néanmoins empreint de naïveté et se focalise sur des objets liés à leur enfance : sa pelle et « une grande fleur de papier qu'il a rapporté de sa nuit » (p. 86).

Le portrait que délivre Créon (p. 84) est, quant à lui, très négatif car ils apparaissent comme de sanguinaires tyrans qui se sont entretués dans un combat fratricide. Ni l'un ni l'autre n'était le héros et le saint qu'il a créé : tous deux étaient des traîtres et le cadavre privé de funérailles n'est pas avec certitude celui de Polynice bien qu'Etéocle ait bénéficié de « funérailles grandioses » (p. 88) car Créon ne « pouvait pas s'offrir le luxe d'une crapule dans les deux camps ».

Polynice est gratifié d'un portait encore plus négatif puisqu'il est brossé par des termes comme « un petit fêtard imbécile, un petit carnassier dur et sans âme, une petite brute » (p. 86) qui a osé lever la main sur son père car celui-ci lui avait refusé « une grosse somme qu'il avait perdu au jeu » (p. 87).
b. Madame Jocaste
Mère d'Antigone et Ismène, elle a confié la garde de ses deux filles à la Nourrice. C'est La nourrice qui parle de Madame Jocaste car elle a peur des reproches qu'elle pourrait lui faire « là-haut » à propos de l'éducation de ses filles en général et de l'escapade d'Antigone en particulier. Antigone la rassure (p. 19) : « Tu pourras regarder maman bien en face, quand tu iras la retrouver. »
c. Douce
C'est la chienne d'Antigone que cette dernière confie à sa nourrice en lui faisant promettre de ne plus la gronder et de lui parler « comme à une vraie personne » (p. 35). Elle lui demande également de la « faire tuer » « si elle était trop triste, si elle avait l'air de trop attendre tout de même, le nez sous la porte comme lorsque je suis sortie » (p. 36).

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