Une science de l'homme est-elle possible ?
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Savoir s'il existe une science de l'homme
- L'histoire doit tendre à la subjectivité universelle, qui permet d'édifier la vérité historique.
- La science ne peut pas se dispenser d’une réflexion éthique sur les répercussions de ses découvertes.
- La science ne peut donc échapper à la dimension de l’humain, parce qu’elle s’intègre dans un contexte humain.
Parce qu’il n’est pas que « matière », mais aussi « esprit », l’homme résisterait, d’une certaine manière, à la connaissance rationnelle qu’on voudrait établir en cherchant à décrire et à comprendre ce qu’il est. En effet, parce que les sciences de l’homme sont toujours obligées de recourir à une interprétation, elles demeurent toujours empreintes de subjectivité. Un même événement historique, par exemple, peut être compris de manière différente, selon le point de vue de l’historien qui l’examine. Cela n’empêche pas l’histoire de prétendre à une certaine objectivité historique ; ainsi que l’explique Paul Ricoeur (1913-2005) :
(Histoire et vérité, Objectivité et subjectivité en histoire, 1955)
En résumé, ce n’est pas parce que
le sujet de l’histoire est l’homme (en tant
qu’il produit les événements
historiques), que la quête de l’historien
se différencie de la recherche d’une
vérité historique. Parce que le
véritable historien est en quête de cette
vérité dans l’histoire,
l’histoire peut être
considérée comme une science.
Certes la subjectivité historique
interfère ; d’ailleurs, ajoute
Ricoeur, il existe de « bonnes »
et de « mauvaises »
subjectivités. La subjectivité
inhérente au travail de l’historien doit
être une « subjectivité qui
soit appropriée à
l’objectivité qui convient à
l’histoire ». De plus, en tenant
compte du fait que l’histoire est toujours
« l’histoire des hommes »,
conclut Ricoeur, nous serons capables, en tant que
lecteurs de cette histoire,
d’« édifier une
subjectivité de haut rang »,
c’est-à-dire une subjectivité qui
ne soit pas celle d’un individu, mais de tous
les hommes.
On comprend que pour ce philosophe, il s’agit
finalement d’élaborer une
subjectivité universelle. En ce sens, la
subjectivité ne nous empêche pas
d’accéder à la vérité
historique, au contraire elle participe à son
édification.
Parce qu’elles étudient la matière,
les sciences exactes (empiriques et
expérimentales) sont-elles pour autant
débarrassées de toute interférence
subjective ? La « neutralité
axiologique », selon l’expression
qu’emploie Max Weber pour désigner
l’absence de position idéologique du
chercheur (celui-ci est censé
n’émettre aucun jugement de valeur sur
l’objet qu’il étudie ; ses
recherches sont uniquement guidée par la
visée de la vérité), est-elle
garantie ? Deux problèmes se posent.
Les recherches scientifiques peuvent être
guidées par certains idéaux, voire
certaines idéologies. Certaines théories
ont tenté de s’édifier
scientifiquement (elles revêtaient, du point de
vue de la démonstration et de l’analyse
l’aspect d’une science) :
- la physiogonomie, avec Lavater (1741-1801), théologien suisse, tentait de prouver qu’il était possible de connaître le caractère des individus en étudiant leur physionomie ;
- la phrénologie, avec Gall (1757-1828), anatomiste et physiologiste allemand, affirmait que l’on pouvait discerner les « dispositions morales et intellectuelles de l’homme » en étudiant la configuration de son cerveau. Reste de Gall l’expression de « bosse des maths » que nous utilisons toujours ;
- Lombroso (1835-1909), médecin italien, est convaincu que la criminalité est innée, et qu’il existe donc des criminels types, identifiables physiquement.
Ces théories, qui paraissent farfelues
aujourd’hui, ont cependant été en
leur temps reconnues comme plausibles, voire valides du
point de vue méthodologique, même si elles
ne faisaient pas l’unanimité.
En outre, Paul Broca (médecin français
né en 1824, mort en 1880), en localisant dans
certaines parties du cerveau le centre de la parole,
anticipe sur ce qu’établiront
ultérieurement les sciences
cognitives ; cela n’a pas
empêché qu’il soit
considéré par certains de ses
contemporains comme un matérialiste subversif ;
ses découvertes ont pu être
qualifiées de farfelues – comme
l’ont été celles de Darwin
(1809-1882) lorsque celui-ci présenta sa
théorie de l’évolution (selon
laquelle les espèces vivantes évoluent et
se transforment au cours des époques). Broca
soutenait Darwin ; l’un comme l’autre
ont toutefois acquis une certaine reconnaissance de la
part de la communauté scientifique de leur
temps.
La biologie du XXe siècle a longtemps été discréditée du fait qu’elle s’est mise en partie au service de l’idéologie nazie. Celle-ci, on le rappelle, prônait la distinction entre une race pure, celle des Aryens, et une race impure, celle des Juifs ; cette distinction reposait, selon cette idéologie, sur des bases scientifiques. Mais elle n’était pas spécifiquement allemande : on peut ainsi lire dans L’homme, cet inconnu, ouvrage paru en 1935 sous la plume du docteur français Alexis Carrel (Prix Nobel de médecine en 1912) la phrase suivante :
L’eugénisme consiste à sélectionner, parmi les individus, ceux qui ont les « meilleurs » gènes, et de tenter d’éliminer ceux dotés de « mauvais » gènes). Carrel préconise ensuite un « établissement euthanasique, pourvu de gaz appropriés » qui permettrait d’éliminer les voleurs, les criminels et les fous. Il faut, pense Carrel, reconstruire l’homme, et la science doit se mettre à la disposition de ce projet. On constate qu’Hitler n’était pas le seul à en fomenter un projet tel.
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