Les inventaires du monde
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Montrer les problèmes posés par les tentatives pour trouver un ordre dans le monde.
- La classification du monde est un désir présent depuis longtemps comme en témoignent des philosophes antiques comme Aristote ou Pline l’Ancien.
- Malgré la multiplication et le renouveau des inventaires du monde, les hommes ne cessent de découvrir de nouvelles espèces. Malheureusement, certaines viennent à disparaitre pour diverses raisons (problèmes climatiques, traitement par l’homme, etc.).
« Tous les hommes ont, par nature, le désir de connaitre » écrit Aristote (384-322 av J-C.) au début de la Métaphysique. La preuve en est, selon lui, que l'homme éprouve du plaisir à connaitre pour connaitre, indépendamment de l’utilité supposée de telle ou telle connaissance. Certains anthropologues ont contesté l’universalité de ce désir de connaissance, en prétendant que les peuples improprement qualifiés de « primitifs » se préoccupaient uniquement de connaissances utiles. Mais la plupart d’entre eux, comme Lévi-Strauss (1908-2009) le montre dans La Pensée sauvage, constatent au contraire que « l’appétit de connaissances objectives » tenaille ces peuples autant que nous et que « dans les deux cas, l’univers est objet de pensée, au moins autant que moyen de satisfaire ses besoins ».
Si l'homme était totalement inexpérimenté ou ignorant, le monde lui apparaitrait comme un enchainement désordonné et incompréhensible de cas singuliers qui ne s’expliquent par aucune règle générale. La connaissance du monde permet au contraire de distinguer, de nommer et de classer les choses.
La plupart des choses observables sont placées dans des catégories telles que les minéraux, les végétaux ou les animaux. Ces catégories se divisent à leur tour en sous catégories moins générales qui regroupent les choses semblables et séparent les choses différentes. Ainsi, parmi les animaux, il y a la distinction entre les vertébrés et les invertébrés.
Classer est donc une manière d’introduire un ordre dans le monde afin d’en faciliter la compréhension. Jusqu’où peut-on ordonner les choses ?
Dresser un inventaire consiste d’abord à
établir une liste exhaustive de choses
considérées comme un patrimoine afin
d’en faciliter la gestion. Quand un commerce est
fermé pour inventaire, ses employés
comparent la liste des marchandises vendues et
achetées à tout ce qu’ils ont
réellement en stock. De son côté,
la notion de « monde », en
philosophie, désigne une totalité
ordonnée autour d’un principe qui la rend
compréhensible. Inventorier le monde
consisterait donc à tout savoir de tout ce
qu’il y a à savoir.
Le risque de cette entreprise est de dresser une liste
absurde de choses hétéroclites, comme une
version sérieuse du poème de
Prévert (1900-1977), Inventaire :
« Une chaise, trois dindons, un
ecclésiastique ». Bien classer les
choses est très difficile. Il suffit
d’essayer de classer les livres d’une
bibliothèque pour s’en rendre compte.
La plus ancienne tentative écrite de classement scientifique des choses, et en particulier des êtres vivants en Europe, remonte au philosophe grec Aristote. Dans Les Parties des animaux, il mène en effet une réflexion approfondie sur la méthode de différenciation qui aboutit à distinguer les êtres vivants en genres et en espèces. Cet ouvrage en complète un autre, l'Histoire des animaux, qui est un grand recueil d’observations relatives à la vie et à la biologie des différents groupes animaux. Si ces œuvres d’Aristote sont aujourd’hui scientifiquement inutilisables, elles marquent un jalon important dans l’histoire des connaissances et des représentations du monde. Aristote y témoigne d’une observation très attentive des animaux (508 espèces mentionnées). Il pose des distinctions toujours valables, comme celle des vertébrés et des invertébrés présentée comme celle séparant les êtres ayant du sang de ceux qui n’en ont pas. On y trouve aussi une « échelle de la nature » qui imprègne toujours notre vision du monde : une hiérarchie des êtres naturels allant du plus bas (les êtres inanimés) à ce sommet que serait l’être humain. Enfin, son œuvre, traduite en latin puis en arabe, aura une postérité considérable.
Il faut mentionner ici l’œuvre monumentale de Pline l’Ancien (23-79), une Histoire naturelle en 37 volumes, où l’auteur ambitionne de compiler l’ensemble des connaissances de son temps, partant de la structure de l’univers pour finir par les objets humains, en passant par la géographie, la zoologie, la botanique, la médecine, la géologie. Cet ouvrage est encore traduit et lu en Europe au XVIIIe siècle. Si les scientifiques d’alors le critiquent, ils ne remettent pas en cause son projet, qui nécessite seulement d’être réactualisé. Le scientifique français Buffon (1707-1788) rend ainsi une espèce d’hommage critique à Pline l’Ancien quand il publie les 36 volumes de son Histoire naturelle, générale et particulière.
La conquête et la colonisation européenne des Amériques ainsi que la révolution scientifique, qui aboutit à la conclusion que l’Univers est infini, ont obligé les savants à reconsidérer les inventaires antiques du monde. En effet, rien que la faune et la flore du Nouveau Monde montrent à quel degré ces inventaires étaient incomplets.
Le naturaliste suédois Carl von Linné (1707-1778) est ainsi entré dans l’histoire des sciences en concevant la classification binomiale encore en usage aujourd’hui : chaque espèce est désignée par une combinaison de deux mots. Le premier désigne le genre, le second l’espèce au sein de ce genre : Homo Sapiens nous désigne ainsi au sein du genre Homo qui comprend aussi d’autres espèces plus anciennes, comme Homo Habilis. Pour Linné, en effet, « le botaniste est celui qui sait nommer les végétaux semblables de noms semblables et les végétaux distincts de noms distincts ». Dans son œuvre, il inventorie l’essentiel des espèces vivantes connues à son époque, soit environ 6 000 espèces végétales ainsi que plus de 4 000 espèces animales.
Malgré ces efforts plurimillénaires, il est remarquable que l’humanité n’ait pas fini de dresser l’inventaire du monde. Régulièrement de nouvelles espèces de plantes et d’animaux sont découvertes et intégrées aux classements. D’autres disparaissent aussi régulièrement et trouvent parfois une place dans les musées.
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