Qu'est-ce que le moi ?
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Connaitre la notion de « moi ».
- Le moi désigne, de façon générale et courante, l’ensemble des éléments qui constituent l’individualité, la personnalité d’un être humain. C’est ce qui permet à chacun d’entre nous de se sentir singulier et distinct d’autrui.
- Il est fréquent de s’affirmer auprès des autres en mettant en avant nos goûts, nos opinions et ce qui, à nos yeux, nous rend spécial.
- Il est toutefois plus rare de s’interroger sur la nature exacte de ce moi qui semble si évident au quotidien.
- Or, quand je me demande ce que je suis, l’évidence disparait. Comment me définir singulièrement ? Suis-je ce corps que je n’ai pas choisi ? Suis-je cet esprit dont les réactions échappent souvent à mon contrôle ? Suis-je ces goûts partagés avec mon milieu social ou imposés à mon attention par un battage médiatique calculé ?
La plupart des lycéens français pourraient citer le principe célèbre de Descartes (1596-1650) : « je pense, donc je suis ». Mais peu connaissent son sens exact. Descartes ne se livre pas à l’introspection afin de mieux se connaitre ou de définir le moi au cours d’une recherche psychologique. Il recherche un fondement inébranlable à la physique nouvelle dont les premiers éléments ont été posés par Galilée. Il s’agit pour lui de trouver une certitude qui résistera aux assauts des sceptiques, ces philosophes convaincus que l’esprit est condamné à errer d’erreurs en erreurs.
Pour mener à bien sa recherche, Descartes met en œuvre un doute méthodique et radical. Il est en effet impossible de vérifier toutes nos opinions une à une. Il faut et il suffit d’examiner les sources de toutes nos connaissances et de leur refuser l’assentiment si elles sont douteuses. La plupart de nos opinions viennent de nos sensations. Or elles sont souvent trompeuses. Quant aux conclusions fournies par la raison, en mathématique par exemple, elles ne sont pas à l’abri du doute non plus. Et si un Malin Génie déployait toutes ses forces pour me tromper à chaque fois que je fais des calculs, même simples. Arrivé à ce point extrême du doute, Descartes découvre enfin une première certitude, qui est inébranlable. Pour que ce Malin Génie puisse me tromper, il faut bien que je doute, que je pense, que j’existe.
Mais alors que suis-je ? Je sais que je suis au moins une « chose qui pense », « c’est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent ». Laissons-là le raisonnement cartésien pour souligner un point important : si Descartes définit ce que je suis, il ne pose pas le problème de savoir qui je suis. La question du moi, de l’identité personnelle, ne peut en effet que commencer à partir de l’existence du moi. Toutefois, est-ce que la définition de l’identité personnelle peut résulter de la seule introspection ?
Par la force des choses, notre identité est tout d’abord fixée par l’environnement familial et social. Avant de maitriser la langue et d’avoir conscience de lui-même, l’enfant est nommé, inscrit à l’état civil, parfois intégré à une communauté religieuse. Ses premiers comportements sont jugés, encouragés ou critiqués. La personnalité de l’individu se dessine ainsi progressivement sous le regard d’autrui avant d’apparaitre dans sa propre conscience balbutiante. Et plus tard, le regard collectif nous impose une personnalité toute faite, stéréotypée parfois.
Il est souvent dit aux garçons, dès l’enfance : « un homme ne doit pas pleurer ».
En ce sens, je suis « moi » pour
les autres avant de l’être pour
moi-même.
C’est peut-être pourquoi Pascal (1623-1662)
cherche à définir le moi dans la relation
amoureuse.
Qu’est-ce que l’autre aime chez moi ?
Est-ce vraiment moi que l’autre aime ?
S’il m’aime pour la beauté de mon
corps, ce n’est pas moi qu’il aime car pour
peu qu’une maladie me défigure, il ne
m’aimera plus.
Il est alors tentant de croire qu’un amour
réel porte sur la personne véritable
constituée par des qualités de
l’âme telles que l’intelligence ou la
mémoire. Toutefois, « je puis perdre
ces qualités sans me perdre
moi-même ». Mais alors
« où est donc ce moi, s’il
n’est ni dans le corps, ni dans
l’âme ? ». Ne pouvant
être localisé et identifié, le moi se
dissout dans nos qualités, qui sont l’objet
réel éventuel de l’amour
d’autrui.
Nous tombons dans la même perplexité si nous cherchons notre moi en nous-mêmes. Pour le montrer, Hume (1711-1776) part d’un principe empiriste : toute idée dans notre esprit est la copie d’une impression sensible. De quelle impression l’idée du moi est-elle donc la copie ? Hume s’avoue incapable de trouver une telle impression. En moi, je ne trouve que diverses impressions : de chaud ou de froid, de lumière ou d’obscurité, d’amour ou de haine. En aucun cas, je ne trouve une impression simple et identique de quelque chose qui serait moi. C’est pourquoi Hume peut écrire : « je ne puis jamais arriver à me saisir moi-même sans une perception, et jamais je ne puis observer autre chose que la perception ». Le moi se dissout encore, mais cette fois dans la multitude des perceptions.
Il est tentant d’écarter ces analyses d’un revers de main. Après tout, ma famille m’ouvre bien la porte quand je dis à l’interphone : « c’est moi ! ». Mais, même au quotidien, mon identité personnelle n’est pas si claire et distincte. Puis-je savoir comment je réagirais dans des circonstances inconnues, en étant soumis à des pressions nouvelles ? Ne suis-je pas régulièrement surpris par mes propres réactions ?
Freud (1856-1939), l’inventeur de la psychanalyse, explique cela en montrant que le moi est toujours ballotté entre trois exigences implacables souvent contradictoires. Il est d’un côté poussé par le principe de plaisir : nos pulsions inconscientes, sexuelles ou non, réclament satisfaction. Elles se heurtent alors au principe de réalité : le monde extérieur n’existe pas pour notre plaisir et il faut se résoudre à être souvent frustré. Et, à leur tour, ces deux revendications sont contrecarrées par le surmoi. Cette partie inconsciente de notre esprit, née de l’intériorisation des normes et des interdits, nous pousse autant à réprimer nos pulsions asociales qu’à juger que le monde extérieur n’est pas à la hauteur de nos idéaux. Le moi se révèle alors n’être qu’un compromis fragile entre nos pulsions, la réalité et nos idéaux.
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