Les racines du Bauhaus
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En retour, le produit industriel est standardisé, il a perdu les qualité esthétiques et fonctionnelles que leur conféraient la main et le savoir faire de l'artisan.
Dès 1850, tout ce qui touche à l'interaction de l'homme avec son environnement est concerné : architecture, ameublement, ustensiles quotidiens, etc.
• De 1843 à 1860, l'écrivain et théoricien John Ruskin propose la solution radicale d'un retour à l'artisanat par l'abandon pur et simple de la machine. A terme, il espère qu'une société inspirée de celle du Moyen-âge émergera.
• Henry Cole, co-organisateur de l'exposition universelle de Londres en 1851, la première du genre, suggère quant à lui une conciliation de l'industrie et de l'artisanat, sans rejeter la machine a priori, mais en la destinant à une production adaptée et de qualité.
D'une manière générale, l'Europe voit apparaître un mouvement en faveur d'une conciliation de l'industrie et de l'artisanat, notamment par la création d'écoles d'arts et métiers destinées à enseigner l'ouvrage industriel.
Certains établissement allemands forment même directement leurs élèves pour qu'ils intègrent des branches industrielles précises. Ceux-ci bénéficient d'un enseignement professionnalisant alors qu'en France, au même moment, les ingénieurs ne reçoivent guère plus qu'un enseignement théorique, éloigné des réalités de terrain.
C'est en Allemagne, à Weimar, là où sera fondé le Bauhaus, que l'architecte belge Henry Van de Velde est appelé en 1901 pour fonder une école d'arts et métiers. Mais il rejette formellement toute compromission avec l'industrie, cherchant plutôt à ranimer l'artisanat local, malmené par la concurrence des autres régions d'Allemagne parce que peu industrialisé. Il se réclame alors de l'exemple de l'anglais William Morris.
Autour de l'architecture, présentée comme le réceptacle de tous les autres arts, Morris prône l'élaboration d'un langage artistique commun, idée qui sera reprise par les tenants de l'Art nouveau.
Jusqu'en 1894, Morris produira lui-même, dans ses ateliers, toutes sortes d'objets d'art, créant même des papiers peints et ouvrant une imprimerie. Ce faisant, il met à bas l'idée de hiérarchie dans les arts et la pertinence d'une distinction entre artistes et artisans.
Cependant, à l'instar d'un Henry Cole, il ne
condamne pas définitivement l'usage de la
machine si elle est mise au service de l'homme. Il
se démarque en cela de l'Art nouveau.
D'ailleurs, par son attachement à une
maîtrise parfaite dans le maniement des
matériaux, ainsi qu'à la cohérence
qui doit exister entre le choix d'un matériau et
sa destination, Morris se fait plutôt
l'annonciateur du fonctionnalisme.
C'est sans doute la raison pour laquelle Walter Gropius, fondateur du
Bauhaus, se réclamera de William Morris, notamment en
raison de sa manière de voir comme un tout, les
étapes successives de la conception d'un objet :
invention, production, consommation.
Faisant le lien entre les deux hommes, une
organisation opérant en Allemagne voit le
jour en 1906, qui sollicitera certains des plus
grands architectes du moment : le
Werkbund.
- Parmi les membres fondateurs du Werkbund, l'allemand Hermann Muthesius, qui a ramené d'Angleterre quelques idées quant à la fondation d'écoles d'arts et métiers, cherche à dépasser William Morris, car il estime comme prépondérante l'utilisation de la machine, qui permettra notamment de produire au mieux des objets réduits à leur fonction, donc extrêmement sobres.
- Henry Van de Velde, qui rejoindra le Werkbund, refuse pour sa part que l'artiste voit sa part de créativité ainsi réduite.
Ce sont plutôt les idées fonctionnalistes de Muthesius, notamment relayées par l'architecte Peter Behrens, qui feront connaître le Werkbund internationalement.
On y défend l'emploi de l'acier, du béton,
du verre, et Behrens,
comme d'autres membres, réalisera surtout des
édifices emprunts de modernité, bien
loin de l'idéal
« morrissien » : usines, ponts
de chemins de fer, etc.
Behrens travaillera d'ailleurs pour AEG, la compagnie
allemande d'électricité, concevant chaque
commande comme appartenant à un ensemble
cohérent, de la typographie des publicité
à l'architecture des bâtiments industriels.
Plusieurs grands architectes du 20e siècle passeront d'ailleurs par l'atelier de Behrens : Le Corbusier, vers 1910-11, mais aussi Walter Gropius et Mies van des Rohe, qui auront tous deux un rôle déterminant dans le futur Bauhaus.
Un phénomène de rébellion à l'encontre de cette dernière apparaît, emmené par des théoriciens, des artistes et des artisans. Tous sont soucieux de préserver leur savoir-faire face à la prééminence de plus en plus affirmée de la machine, qui prétend les remplacer.
Deux tendances se dessinent alors, qui se retrouveront quelques décennies plus tard chez les différents membres du Bauhaus : d'un côté les irréductibles, tel Henry van de Velde, qui s'alignant sur les positions radicales de John Ruskin s'oppose fermement à toute industrialisation, qui a selon lui pour inévitable corollaire la standardisation de la production ; plus nuancés, des hommes comme Henry Cole ou Hermann Muthesius considèrent la machine comme ayant acquis un pouvoir auquel il est inutile de résister, mais qu'il faut apprendre à maîtriser, notamment par la formation de nouveaux artisans-ingénieurs dans des écoles d'arts et métiers.
Entre les deux tendances se trouve le fondateur du
mouvement Arts & crafts, William
Morris, le plus important de tous car ayant su
penser mieux que quiconque la fin de la
hiérarchie des arts, ainsi que la
possibilité de voir un objet d'usage courant
atteindre le même degré de perfection qu'une
œuvre d'art dit « noble ».
C'est là une préfiguration du
fonctionnalisme, ce qui explique la dette que se
reconnaîtra Walter Gropius, fondateur du Bauhaus,
à l'égard de Morris.
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