Montage(s)
- Fiche de cours
- Quiz
- Profs en ligne
- Videos
- Application mobile
Objectifs :
Introduire la notion de montage à partir des arts qui
ont précédé et accompagné la
naissance du cinéma ; Donner une idée du
contexte culturel des premières oeuvres
cinématographiques ; Mettre en évidence la
spécificité du montage au cinéma.
En 1863, Emile Littré (Académie française)
donne dans son dictionnaire la définition suivante du
montage : « Action d'ajuster dans l'ordre
voulu les pièces d'une machine ». Ainsi,
avant l'invention de Lumière, le montage existait
déjà sous sa forme mécanique. Le
cinéma lui ajoutera une dimension artistique. Dans cette
double orientation, technique et artistique,
réside une part de la spécificité du
montage cinématographique.
1. Avant le cinéma
On pourrait cependant reconnaître des
précurseurs au montage
cinématographique, d'autres formes
artistiques constituées par l'assemblage
d'éléments plus ou moins
indépendants.
• L'architecture, les mosaïques reposent en effet sur l'agencement de pièces, de fragments. Mais ces fragments n'ont guère d'autonomie (leur valeur repose sur l'ensemble qui les réunit) et l'opération d'assemblage n'a qu'un faible intérêt artistique.
• Par ailleurs, dans une certaine peinture religieuse (notamment dans les polyptyques, œuvres morcelées en plusieurs « tableaux » liés les uns aux autres), on assiste effectivement à la mise en relation d'unités picturales autonomes (non pas d'un point de vue thématique mais bien formel, chaque fragment représentant quelque chose de précis). Il y a certes juxtaposition de scènes religieuses (voir notamment Masaccio, ou les triptyques médiévaux - ce sont le plus souvent les grandes étapes de la vie du Christ racontées dans les Evangiles), mais pas de véritable travail artistique de construction.
Le terme de montage sera employé précisément pour définir ce type de travail artistique de construction qui implique la plupart du temps une fragmentation, puis une recomposition (recréation), et qui sera principalement développé dans les arts ou grands courants artistiques du XXe siècle.
• L'architecture, les mosaïques reposent en effet sur l'agencement de pièces, de fragments. Mais ces fragments n'ont guère d'autonomie (leur valeur repose sur l'ensemble qui les réunit) et l'opération d'assemblage n'a qu'un faible intérêt artistique.
• Par ailleurs, dans une certaine peinture religieuse (notamment dans les polyptyques, œuvres morcelées en plusieurs « tableaux » liés les uns aux autres), on assiste effectivement à la mise en relation d'unités picturales autonomes (non pas d'un point de vue thématique mais bien formel, chaque fragment représentant quelque chose de précis). Il y a certes juxtaposition de scènes religieuses (voir notamment Masaccio, ou les triptyques médiévaux - ce sont le plus souvent les grandes étapes de la vie du Christ racontées dans les Evangiles), mais pas de véritable travail artistique de construction.
Le terme de montage sera employé précisément pour définir ce type de travail artistique de construction qui implique la plupart du temps une fragmentation, puis une recomposition (recréation), et qui sera principalement développé dans les arts ou grands courants artistiques du XXe siècle.
2. Les arts de la construction
Avec les premières œuvres
cinématographiques dotées de montage s'impose
un certain nombre de courants artistiques qui
accordent beaucoup d'importance à la
construction. Il s'agit d'associer des fragments
indépendants pour élaborer un espace plus ou
moins hétérogène. Parmi ces courants,
et bien qu'ils ne puissent être réduits
à cela, on peut compter le cubisme, le dadaïsme, le futurisme et le constructivisme.
• En ce qui concerne le cubisme, on peut penser aux collages de Braque et aux fragments de lettres disposées par Picasso sur certaines oeuvres (autour de 1912).
• Avec dada, c'est l'invention du photomontage (vers 1917). Des artistes assemblent des morceaux de photographies dont ils ne sont pas les auteurs et créent ainsi leurs propres œuvres.
• Rodtchenko, chef de file du constructivisme (principalement soviétique) utilise un procédé semblable dans ses œuvres graphiques.
Il conçoit notamment l'affiche de Kino-Glaz de Dziga Vertov en 1924.
Sur cette affiche, on peut voir :
- du texte ;
- en haut, un œil immense comparé aux autres motifs (ne sont donc respectées ni les lois de la perspective, ni la relativité de la taille des motifs, ni l'unité de ces motifs puisqu'il y a ici un œil sans visage, sans corps) ;
- en bas, sur les côtés, des visages qui regardent vers cet œil et au-dessus de ces visages, des caméras.
Les constructions de Rodtchenko produisent donc du sens : la caméra sera le nouvel œil, résolument moderne, de l'humanité (c'est le projet de Vertov).
• Le futurisme est né en Italie (1909) de l'intérêt de Marinetti pour la civilisation urbaine, la technique et la vitesse. Ce dernier rejette tout conservatisme artistique (d'où sa défense du vers libre), il est rejoint notamment par des peintres. Boccioni peint « Le Deuil » en 1910 (une femme en deuil placée au centre du tableau, reproduite à différents endroits selon des points de vue variés) et ses « Visions simultanées » en 1911. L'unité du tableau vole en éclat, des effets précis sont recherchés : l'expression de la vitesse, de la vibration et des émotions...
Ces grands courants du début du XXe siècle partagent le même objectif : transgresser les valeurs de l'art (ils poursuivent ce qu'entreprirent notamment les impressionnistes en ruinant les lois de la perspective).
Le constructivisme et le futurisme (dans lesquels ont baigné les premiers films soviétiques) ont été en outre les instruments privilégiés d'une révolte sociale qui a permis de repenser la position de l'artiste : isolé du monde, préoccupé par son Moi et les conceptions de l'art pour l'art, il doit maintenant retrouver une fonction sociale primordiale. La matière occupe une place centrale dans cette démarche. L'art devient donc le lieu de rencontre de cette matière (d'où l'importance de la technique qui inscrit l'œuvre dans le réel, dans l'Histoire et la Modernité) avec l'idée ou l'esprit.
Il s'agit donc, dans ce premier quart du dernier siècle, d'un art révolté contre ses propres principes et parfois contre la société. La construction (un montage élargi) a accompagné une telle révolte.
• En ce qui concerne le cubisme, on peut penser aux collages de Braque et aux fragments de lettres disposées par Picasso sur certaines oeuvres (autour de 1912).
• Avec dada, c'est l'invention du photomontage (vers 1917). Des artistes assemblent des morceaux de photographies dont ils ne sont pas les auteurs et créent ainsi leurs propres œuvres.
• Rodtchenko, chef de file du constructivisme (principalement soviétique) utilise un procédé semblable dans ses œuvres graphiques.
Il conçoit notamment l'affiche de Kino-Glaz de Dziga Vertov en 1924.
Sur cette affiche, on peut voir :
- du texte ;
- en haut, un œil immense comparé aux autres motifs (ne sont donc respectées ni les lois de la perspective, ni la relativité de la taille des motifs, ni l'unité de ces motifs puisqu'il y a ici un œil sans visage, sans corps) ;
- en bas, sur les côtés, des visages qui regardent vers cet œil et au-dessus de ces visages, des caméras.
Les constructions de Rodtchenko produisent donc du sens : la caméra sera le nouvel œil, résolument moderne, de l'humanité (c'est le projet de Vertov).
• Le futurisme est né en Italie (1909) de l'intérêt de Marinetti pour la civilisation urbaine, la technique et la vitesse. Ce dernier rejette tout conservatisme artistique (d'où sa défense du vers libre), il est rejoint notamment par des peintres. Boccioni peint « Le Deuil » en 1910 (une femme en deuil placée au centre du tableau, reproduite à différents endroits selon des points de vue variés) et ses « Visions simultanées » en 1911. L'unité du tableau vole en éclat, des effets précis sont recherchés : l'expression de la vitesse, de la vibration et des émotions...
Ces grands courants du début du XXe siècle partagent le même objectif : transgresser les valeurs de l'art (ils poursuivent ce qu'entreprirent notamment les impressionnistes en ruinant les lois de la perspective).
Le constructivisme et le futurisme (dans lesquels ont baigné les premiers films soviétiques) ont été en outre les instruments privilégiés d'une révolte sociale qui a permis de repenser la position de l'artiste : isolé du monde, préoccupé par son Moi et les conceptions de l'art pour l'art, il doit maintenant retrouver une fonction sociale primordiale. La matière occupe une place centrale dans cette démarche. L'art devient donc le lieu de rencontre de cette matière (d'où l'importance de la technique qui inscrit l'œuvre dans le réel, dans l'Histoire et la Modernité) avec l'idée ou l'esprit.
Il s'agit donc, dans ce premier quart du dernier siècle, d'un art révolté contre ses propres principes et parfois contre la société. La construction (un montage élargi) a accompagné une telle révolte.
3. Le montage cinématographique
Au cinéma, le montage n'est pas transgressif,
il est même consubstantiel au cinéma
lui-même. Il a pu accompagner une révolution
sociale, mais seulement dans la mesure où le
cinéma (et tout particulièrement un
cinéma qui a accordé une place centrale au
montage) s'est imposé comme l'art
privilégié de la révolution
bolchevique.
Le montage cinématographique est surtout la combinaison exemplaire d'une opération intellectuelle : puisqu'il faut choisir les plans (le montage implique donc un choix, pour la première fois), décider de leur durée (le montage travaille le temps), de leur position dans le film (le montage recompose une durée) et prévoir leurs effets (toutes ces opérations pour que se développent une histoire, des significations, pour que s'imposent des chocs psychologiques, etc.) et d'une opération matérielle, technique (couper, coller la pellicule avec les outils nécessaires).
Au cinéma, le montage est donc expressif, créatif, comme il ne l'a jamais été ailleurs. Il ne transgresse pas les fondements des arts représentatifs (comme les collages et autres juxtapositions fragmentaires du siècle), il est au contraire à la base de toute construction dans l'espace et la durée : il est précisément « l'organisation des plans d'un film dans certaines conditions d'ordre et de durée » (M. Martin).
Le montage cinématographique est surtout la combinaison exemplaire d'une opération intellectuelle : puisqu'il faut choisir les plans (le montage implique donc un choix, pour la première fois), décider de leur durée (le montage travaille le temps), de leur position dans le film (le montage recompose une durée) et prévoir leurs effets (toutes ces opérations pour que se développent une histoire, des significations, pour que s'imposent des chocs psychologiques, etc.) et d'une opération matérielle, technique (couper, coller la pellicule avec les outils nécessaires).
Au cinéma, le montage est donc expressif, créatif, comme il ne l'a jamais été ailleurs. Il ne transgresse pas les fondements des arts représentatifs (comme les collages et autres juxtapositions fragmentaires du siècle), il est au contraire à la base de toute construction dans l'espace et la durée : il est précisément « l'organisation des plans d'un film dans certaines conditions d'ordre et de durée » (M. Martin).
L'essentiel
« Ton génie n'est pas dans la contrefaçon
de la nature (acteurs, décors), mais dans ta
manière à toi de choisir et de coordonner des
morceaux pris directement à elle par des
machines » (Robert Bresson, Notes sur le
cinématographe, 1975).
Vous avez obtenu75%de bonnes réponses !