La publicité
- Fiche de cours
- Quiz
- Profs en ligne
- Videos
- Application mobile
La publicité, quel que soit son support, est toujours réalisée dans le but très précis de faire acheter un produit (un produit de consommation ou un service, peu importe). On pourra toujours envisager son côté esthétique ainsi que l'habileté de son écriture (grâce à laquelle certains metteurs en scène de publicité comme Etienne Chatiliez se sont vu ouvrir les portes du cinéma), mais ce serait alors la considérer essentiellement comme un court-métrage (particulièrement bref), et la couper ainsi de la démarche commerciale dont elle est une pièce maîtresse et qui la justifie. Il est donc très important d'aborder les films publicitaires ainsi que leur montage avec un certain pragmatisme.
La publicité occupe une part très importante, quantitativement au moins, à côté des programmes de télévision plus traditionnels. Si les chaînes publiques ont encore la décence de soumettre la diffusion des différents spots à celle des véritables émissions, ce n'est déjà plus le cas des chaînes privées qui interrompent la plupart de leurs programmes (les variétés, les jeux, mais surtout les films de fictions dont ils rompent la continuité) pour imposer quelques minutes de « réclame ».
Le prix de location des plages affectées à la publicité varie en fonction des heures, de l'audience et des programmes prévus à ces moments-là. Néanmoins, ces coûts étant pour la plupart tout à fait exorbitants, les publicités sont toutes très courtes (moins de 30 secondes) et doivent quand même faire passer un maximum d'informations.
D'où la présence d'un grand nombre de plans par rapport à la durée du spot. Ces informations sont communiquées en outre par plusieurs sources simultanées : les images évidemment, mais aussi les textes écrits qui s'y donnent à lire (l'image devient alors une page), la voix des personnages de ces mises en scène et la voix-off du commentaire. Ces sources peuvent permettre de multiplier la quantité des précisions concernant les propriétés d'un produit ainsi que les raisons susceptibles d'attiser le désir des acheteurs potentiels sans augmenter pour autant la durée et donc le coût du message. Elles permettent surtout de répéter les mêmes informations simples et rudimentaires pour marquer le spectateur et investir sa mémoire : c'est pourquoi la publicité est redondante avant tout.
La forme et le style des publicités répondent aux exigences du public que les produits sont censés concerner. On peut ainsi remarquer que les messages s'adressant à une audience relativement jeune, habituée aux montages rapides des clips vidéo et des films d'action, reposent souvent eux-mêmes sur un tel montage (sans parler de leur musique, du registre de langue des personnages et du commentaire, frôlant souvent la caricature). En revanche, les produits censés s'adresser à un public plus âgé sont présentés dans des formats beaucoup plus conventionnels d'une naïveté étonnante. Le découpage est presque toujours le même, il observe les logiques de vente les plus archaïques des bons vieux bonimenteurs.
Le cas de la lessive est tout à fait typique. D'abord, on nous propose un plan d'une fête d'anniversaire ou d'une activité sportive, puis en plan serré un enfant s'approche : il a taché ses habits (le problème). Un plan nous montre alors la mère désespérée (idéologie stéréotypée de la famille traditionnelle) puis un plan abstrait dans lequel sont représentés les effets des agents de la nouvelle lessive sur la tache et toutes sortes de symboles (représentation grossière d'une expérience commentée en voix-off et censée servir de caution scientifique). On voit après le résultat sur le véritable vêtement, la mère est ravie, l'enfant aussi. Et pour finir, on voit presque toujours le produit lui-même exposé seul sur une table dans un plan qui reçoit par ailleurs les inscriptions rappelant les qualités incomparables et inédites de la marchandise.
La plupart des publicités sont des variations de ce découpage en trois temps qui reprend grossièrement les principales articulations de la fiction : une situation sereine, le surgissement d'un problème qui en trouble l'ordre (l'élément perturbateur) puis sa résolution qui ramène la paix initiale...
La publicité est une mise en scène qui doit permettre par tous les moyens (autorisés) de faire accepter une idée (la qualité d'un produit) à un public ciblé. C'est donc un instrument de propagande, incontestablement. C'est pourquoi tous les messages publicitaires véhiculent des idéologies susceptibles de satisfaire le public visé par le produit. Le découpage d'un film vantant les délices d'un camembert va associer par exemple des plans complémentaires capables de ressusciter ensemble l'idéologie correspondante. On commence par voir ainsi un plan de la campagne silencieuse, puis une image de deux hommes qui s'apprêtent à déjeuner, on voit ensuite l'un d'entre eux sortir un couteau de sa poche et couper le fromage en gros plan, etc. L'expression du calme (la campagne, loin de l'agitation de la ville), de la liberté, de la tradition (le couteau personnel), de l'amitié transmettent des valeurs très précises qui sont, pense-t-on, largement partagées par les consommateurs potentiels (adeptes de l'idéologie épicurienne). Les stratégies du désir obéissent aux mêmes lois, l'objectif est toujours d'impliquer le spectateur dans l'image : les femmes nues incarnant parfaitement les canons de beauté contemporains mobilisent le désir des consommateur et le désir d'identification des consommatrices tout en offrant aux uns et aux autres une représentation idéalisée et rassurante du corps sain...
Certaines publicités misent davantage sur les bénéfices du comique. On compte alors sur le sens de l'humour du spectateur en pensant qu'il projettera peut-être le plaisir éprouvé devant le film sur le produit lui-même (quoi qu'il en soit le vendeur aura quand même gagné sa sympathie). Le montage peut ménager de tels effets, notamment lorsqu'on se joue de ses codes (on voit une femme en robe de mariée courir dans un sens, puis un homme en contrechamp courir dans l'autre sens : alors que toute porte à croire qu'ils se précipitent l'un vers l'autre, un plan d'ensemble nous révèle qu'ils viennent en fait de regagner leur liberté sur le point d'être perdue)... Le spectateur ne désire aucun élément particulier du film, il ne s'identifie à personne, il se fait plutôt le complice de l'énonciation. Le montage est alors souvent décisif puisqu'il est un facteur déterminant de l'énonciation. Le spectateur n'est pas tant sensible au message du film qu'à sa tonalité générale.
Le montage joue un rôle important dans la publicité. Rapide la plupart du temps, il permet de multiplier ou de répéter les informations transmises au spectateur en peu de temps. Il offre une structure générale solide à de nombreux films (une structure simpliste mais qui a sans aucun doute fait ses preuves). Il sert de véhicule à l'idéologie susceptible d'interpeller le spectateur concerné par le produit. Il permet de satisfaire ce même spectateur en le faisant complice de l'énonciation du message (il est toujours valorisant de passer du côté de l'émetteur du message et de ne plus être considéré seulement comme un consommateur un peu naïf).
Vous avez obtenu75%de bonnes réponses !