1. Maroc et Tunisie : deux colonies à part
a. Un statut de protectorat
A la différence de l'Algérie voisine, seule
véritable colonie de peuplement français, Maroc et
Tunisie sont des protectorats. Ainsi, selon le droit
international, les deux pays ont conservé leur
personnalité politique. En théorie, seules leurs
relations extérieures relevaient de la tutelle
française. Dans la pratique, les Français,
établis en grand nombre dans ces deux pays, disposaient
également des leviers économiques du pays et
possédaient ainsi une influence politique non
négligeable qu'ils conservèrent après la
Seconde Guerre mondiale : en 1946, la Constitution de
la IVe République avait exclu Maroc et
Tunisie du statut d'Etat associé à l'Union
française car ces deux pays ne constituaient pas des
colonies au même titre que l'Indochine par exemple.
b. La force des nationalismes marocain et tunisien
Cette singularité des statuts tunisien et marocain
n'était sans doute pas pour déplaire aux
nationalistes des deux pays. A la différence, là
encore de l'Algérie voisine, Tunisie et Maroc ont,
dès les années 1930, une réelle
présence nationaliste qui revendique l'indépendance
plutôt qu'une évolution du statut vers plus
d'autonomie interne. D'ailleurs, au moment de
l'élaboration de la Constitution de 1946, les
nationalistes tunisiens et marocains se déclarèrent
très défavorables à l'Union française
car elle ne prévoyait pas d'indépendance à
terme pour les colonies françaises. Or cette
dernière est, dès le départ, l'objectif de
ces mouvements nationalistes marqués par deux
organes : l'Istiqlal, d'une part, parti
indépendantiste marocain et le Neo-Destour, d'autre
part, parti nationaliste tunisien dirigé par Habib
Bourguiba.
2. La marche vers l'indépendance
a. Au Maroc
En avril 1947, le sultan du Maroc
Mohamed V,
lors d'une cérémonie officielle, omet
volontairement de rendre hommage à la France. Cette
initiative, destinée à montrer son adhésion
aux thèses nationalistes, conduit le gouvernement
français à remplacer son représentant au
Maroc, jugé trop libéral, par le
général Juin qui tente de mettre en place une
administration directe de la colonie et ainsi, de rogner
sur le
statut de protectorat. Pendant plusieurs
années, Juin et son successeur, un autre militaire, le
général Guillaume, s'opposent au sultan sur la
question de l'administration du pays. La position du sultan
renforce sa popularité et le rapproche du parti
indépendantiste. Des manifestations populaires agitent
périodiquement le pays.
En 1953, un tournant a lieu : le représentant
du gouvernement, s'appuyant sur le pacha de Marrakech, hostile
au sultan, obtient du gouvernement français
l'emprisonnement du sultan et sa déportation à
Madagascar. Les manifestations populaires se font alors plus
vives et on assiste au développement d'un terrorisme
indépendantiste qui ajoute
l'insécurité à la confusion politique.
Devant une situation qui se dégrade sans cesse et alors
que débute le conflit algérien qui mobilise les
forces françaises, le gouvernement français
décide finalement de négocier. En 1955,
après deux années d'internement, le sultan
Mohamed V est donc libéré et obtient le
droit de rentrer à Rabat.
Le traité de protectorat est aboli et des
négociations aboutissent rapidement à
l'indépendance prononcée le
20 mars 1956.
b. En Tunisie
Formé en France durant ses études, Habib
Bourguiba est la grande figure du nationalisme tunisien des
années 1940. Il rejette l'autonomie interne comme une
fin en soi, considérant qu'elle n'est qu'une
première étape vers l'indépendance de la
Tunisie. Si dans un premier temps, l'attitude de la France avait
pu faire croire aux nationalistes qu'elle s'orientait vers cette
voie, en 1951, la volonté du gouvernement
français de mettre en place une
co-souveraineté franco-tunisienne sur le pays
crée une réelle déception chez les
nationalistes.
Cette notion de co-souveraineté constitue même un
recul par rapport au statut de protectorat car elle
prévoit une souveraineté partagée sur
l'administration interne du pays. Les nationalistes entrent alors
dans la clandestinité et dans l'action armée.
Là encore, le tournant se situe en 1953-1954. Devant
le développement des actions armées et alors que la
France, après l'humiliation indochinoise, doit concentrer
ses forces sur la question algérienne, le gouvernement
français – notamment sous la houlette de Pierre
Mendès France – change de position.
Ainsi, en juillet 1954, dans son discours de
Carthage, Pierre Mendès France se prononce pour
l'octroi de l'autonomie interne, premier pas vers
l'indépendance. Et, après l'indépendance
marocaine en mars 1956, Bourguiba exige
l'indépendance de la Tunisie. Il l'obtient le
15 juin 1956.
L'essentiel
Maroc et Tunisie forment deux pièces essentielles de
l'Empire colonial français en Afrique du Nord. Quoique
disposant d'un statut particulier, ils sont agités par
de forts mouvements nationalistes qui parviennent à leur
faire obtenir l'indépendance.